Accidents résultant de biberons, sucettes (lolettes) et récipients à bec verseur pour enfants

Ce travail utilise la banque de données NEISS (National Electronic Injury Surveillance System = système national de surveillance informatique des accidents) pour étudier les accidents d’enfants de moins de 3 ans survenus aux USA entre 1991 et 2010 et résultant de l’usage de sucettes (lolettes = pacifiers), biberons et récipients à bec verseur pour enfants (sippy cups).
45’398 enfants ont été traités dans des centres d’urgences pour un tel problème, soit 2270 cas par an. Les accidents ont concerné par ordre décroissant des biberons (65,8%) des sucettes (20%) et des récipients à bec verseur pour enfants (14.3%). Le mécanisme le plus souvent en cause était une chute alors que l’enfant avait un de ces objets en bouche (86%). Il en est résulté des plaies de la bouche (70.4%). Les enfants d’environ 1 an sont les plus concernés. Un mauvais fonctionnement de ces objets est plutôt rare (4%), mais tout existe !
Les auteurs mettent en avant le risque élevé d’accidents liés à la conjonction d’usage de ces produits et de chutes. Ils y voient la possibilité d’une part d’améliorer l’information aux parents et d’autre part le design de ces objets. Ils s’associent à l’Académie Américaine de Pédiatrie (AAP), pour que les pédiatres recommandent de passer le plus rapidement possible à la tasse ou au verre et d’arrêter dès que possible l’usage des sucettes.

Commentaire O. Reinberg:
En 2008, j’avais renoncé à rapporter un article dans cette rubrique le jugeant à tort trop exceptionnel. Il trouve pourtant sa place dans le cadre du présent résumé. L’article rapportait le cas d’un enfant de 22 mois qui avait avalé la pièce buccale d’une lolette, sans que les parents ne réagissent. Celle-ci s’était enclavée dans l’intestin, provoquant une obstruction qu’il avait fallu lever chirurgicalement.
(Pacifier-induced bowel obstruction-not so soothing. Neville HL, Huaco J, Vigoda M, Sola JE. J Pediatr Surg 2008; 43(2): e13-5).

Référence :
Injuries Associated With Bottles, Pacifiers, and Sippy Cups in the United States, 1991-2010.
Keim SA, Fletcher EN, Tepoel MR, McKenzie LB.
Pediatrics 2012; 129(6):1104-10.
Affiliation: Center for Biobehavioral Health, The Research Institute at Nationwide Children’s Hospital, Columbus, Ohio.

Corps étrangers dans les voies respiratoires

Méta-analyse italienne dont le but est d’évaluer les risques d’asphyxie en rapport avec la forme, la taille et la consistance de corps étrangers inhalés chez les enfants. L’étude est intéressante par son importance, puisqu’elle fait une analyse exhaustive de la littérature sur 30 ans (1978-2008). Sur plus de 1600 articles revus, 1063 ont été jugés pertinents incluant un total de 30’477 enfants.
L’âge critique d’inhalation est compris entre 0 et 3 ans (67%). Les corps étrangers organiques les plus souvent impliqués sont les noix (noisettes, arachides) (39%), des graines (25%), tandis que parmi les inorganiques, les petits aimants sont les plus fréquents (deux fois plus que les petites éponges qui viennent ensuite). Beaucoup d’objets inhalés n’auraient jamais dû être accessibles à des petits enfants: punaises, clous, vis, épingles.
Les accidents surviennent sans surprise quand l’enfant mange ou joue.
La localisation trachéale, la plus dangereuse, représente 15% des cas. Il y a 62% d’inhalation à droite vs 38% à gauche lorsqu’elle est bronchique.
Les symptômes classiques sont ceux d’une obstruction sévère et aiguë des voies respiratoires avec toux, dyspnée, bruits respiratoires diminués ou absents et vont jusqu’à l’asphyxie complète.
Des symptômes non spécifiques, voire une absence totale de symptôme, sont des constatations fréquentes ce qui rend les inhalations très dangereuses et mène à de faux diagnostics ou à un retard de prise en charge adéquate. Sur l’ensemble de l’étude, les radiographies étaient normales dans 47% des cas et seules les endoscopies ont permis de faire le diagnostic et de traiter. Dans 40% des cas le diagnostic a été fait plus de 24 heures après l’inhalation. Ceci explique que 15 % (!!) des enfants présentent des complications aiguës ou chroniques. Parmi les plus graves, on mentionne 6% de décès, 2.4% d’arrêts respiratoires et 2% d’arrêts cardiaques.
Enfin sur ce grand nombre d’articles traitant du sujet, seuls 5 font référence à la présence ou non d’adultes au moment de l’accident, traduisant pour les auteurs le peu d’intérêt porté à la prévention dans ce domaine.
Bien que les études soient difficilement comparables entre elles et d’une grande hétérogénéité, les auteurs insistent sur l’importante morbidité liée aux inhalations de corps étrangers. Ils plaident pour une prise de conscience et pour l’introduction d’une meilleure prévention.

Commentaire O. Reinberg :
Cette étude est proche de celle rapportée dans qui venait de Hong-Kong en 2009. Pour mémoire les auteurs mentionnaient l’importante différence de complications qui résultait du délai de prise en charge selon qu’elle était précoce (moins de 7 jours) ou tardive, le fait que beaucoup de ces d’enfants peuvent être asymptomatiques et que le diagnostic radiologique est insuffisant. Il est une preuve positive, mais ne permet pas d’exclure une inhalation de corps étranger. Une seule attitude possible: en cas de doute une endoscopie en urgence s’impose, même si les radiographies sont normales.
Du point de vue prévention, l’information sur le risque lié aux graines et aux cacahuètes en particulier doit être rappelée sans relâche aux parents : les parents ne devraient pas en donner aux petits enfants. Participant depuis des années à des missions en Afrique, je suis toujours surpris de ce que toutes les mamans africaines savent que « l’arachide tue », tandis que dans le monde industrialisé on reçoit ses amis avec des pistaches et des cacahuètes à l’apéritif en présence de petits enfants. A ce sujet, relire dans Pipades  le niveau de connaissance des parents concernant les risques d’inhalation et le rôle essentiel que les pédiatres ont à jouer dans cette prévention.

Référence :
Foreign bodies in the airways: A meta-analysis of published papers.
Foltran F, Ballali S, Passali FM, Kern E, Morra B, Passali GC, Paola Berchialla P, Lauriello M, Gregori D.
Int J Pediatr Otorhinolaryngol 2012; 76-Suppl 1: S12–S19.
Affiliation : Italie, multicentrique

Les dangers du snowboard

Cette étude US porte sur 7 ans (2000-2007) et recense 213 cas de traumatismes résultant de la pratique du snowboard chez des enfants de 6 à 21 ans dans un centre de référence de traumatologie pédiatrique (« level 1″), ce qui crée un biais que les auteurs mentionnent, en ce que les traumatismes graves sont surreprésentés (7% de traumatismes abdominaux graves). Le titre en anglais ne reflète pas le contenu de l’article qui étudie tous les traumatismes résultant du snowboard et pas seulement les traumatismes abdominaux, d’où son intérêt.
Sans surprise il y a 79% de garçons. Le groupe le plus représenté (79%) est celui entre 12 et 14 ans. Par fréquence décroissante, les lésions concernaient le membre supérieur (58%), la tête (27%), le tronc (19%), le membre inférieur (10%). 74% des lésions abdominales avaient lésé un organe plein, en particulier la rate. La hauteur de chute (plus de 1 mètre) n’est pas corrélée avec un type particulier de lésion. Par contre il apparaît que les garçons se font des traumatismes abdominaux (p < 0.001), et les filles des traumatismes pelviens (p < 0.001). Les garçons ont plus de fractures (p < 0.01). Les petits enfants (moins de 14 ans) ont plus de lésions abdominales (p < 0.05), tandis que les plus âgés ont plus de lésions pelviennes. Il existe une corrélation associative nette entre les fractures du membre supérieur et les trauma abdominaux (p = 0.003).

Dans la discussion, les auteurs parlent de « dramatique » croissance de ce type de traumatismes, avec 6 cas en 2000 et 56 cas en 2005. Ils constatent que les lésions à snowboard diffèrent de celles du ski et les lésions pédiatriques de celles des adultes. Par exemple ils n’ont jamais retrouvé dans cette série pédiatrique la fracture de la cheville décrite chez les snowboarders adultes comme typique de ce sport (« snowboarder’s ankle »). Ils regrettent que le port du casque soit rarement mentionné alors que les traumas affectant la tête sont fréquents.
Ce travail est essentiellement descriptif. Cependant les auteurs développent  des hypothèses intéressantes sur les causes possibles des lésions constatées. Ainsi, ils mentionnent que la majorité des snowboarders ont le pied droit en arrière (regular), donc le flanc gauche tourné vers l’avant ce qui pourrait expliquer le nombre important de lésions spléniques. Certaines seraient dues au coude gauche de l’enfant lui-même, qui provoquerait une contusion du flanc gauche. Ils proposent la même explication à la surreprésentation de lésions du membre supérieur gauche par rapport au droit, d’où la corrélation associative mentionnée dans l’article. Il serait intéressant de voir si la proportion s’inverse chez ceux qui ont le pied gauche en arrière (« goofy »), mais le collectif ne permet pas cette analyse.

Référence:
Snowboarding-Related Abdominal Trauma in Children.
McCrone AB, Lillis K, Shaha SH
Pediatr Emerg Care 2012; 28(3) :251-253.
Affiliation: Department of Emergency Medicine, SUNY Upstate Medical University, Syracuse; State University of New York at Buffalo, School of Medicine, Williamsville, NY.

Barrières de sécurité ?

Étude originale qui analyse la capacité des enfants à franchir une barrière de protection. L’étude est très dense et de nombreux paramètres sont étudiés: 33 enfants de 3 à 6 ans sont invités à franchir (sous supervision !) des barrières de conceptions différentes: un panneau de bois plein de 110 cm de haut et 2 cm d’épaisseur, un panneau de bois plein de 150 cm de haut et 2 cm d’épaisseur, barrière en bois plein dans le bas sur 50 cm (pour ne pas pouvoir escalader) puis 4 barres horizontales espacées de 18 cm, 2 barrières en bois plein de 100 cm de haut avec barre horizontale au-dessus espacées verticalement de 10.7 cm. Les caractéristiques morphologiques des enfants et leurs âges sont pris en compte.
Aucune barrière n’est infranchissable ! La barrière à barres horizontales (pourtant distantes de 18 cm) est franchie par 97% des enfants quelque soit leur âge. 12 enfants (36.4%) parviennent à franchir les 4 barrières, la plus difficile en 15 secondes au maximum. L’âge est le meilleur critère de prédiction de succès, la morphologie de l’enfant et sa force n’intervenant que pour déterminer le temps qu’ils mettront à franchir la barrière.

Qu’est-ce qu’une barrière de sécurité ? Aucune barrière ne peut offrir un délai protecteur, puisque même très élevée, les meilleurs grimpeurs la franchissent en quelques secondes.

Référence complète:
Crossing safety barriers: Influence of children’s morphological and functional variables
Cordovil R
, Vieira F, Barreiros J.
Applied Ergonomics
2
012; 43(3):515.520
Affiliation: Faculty of Human Kinetics – Technical University of Lisbon, Department of Health and Sport Sciences, Portugal

Sièges d’enfants et « ramassage » d’enfants (carpooling)

Les auteurs de cette étude se sont intéressés à ce qui pourrait sembler un détail mais est un réel problème de société. De nombreuses familles « ramassent » les enfants des voisins pour aller à l’école ou en loisirs (carpooling). Qu’en est-il de la sécurité des enfants en voiture dans ces circonstances ?
Ils ont procédé par enquête auprès de 1612 parents d’enfants de 4 à 8 ans.
Dans leur propre véhicule, les parents installent leurs enfants dans des sièges de sécurité dans 76% des cas. A défaut ils utilisent un booster avec la ceinture de sécurité dans 74% des cas. Ils reconnaissent le faire d’autant plus souvent que l’enfant est plus jeune et/ou que la législation de l’état est sévère en cas de non utilisation du booster.
Lorsqu’ils transportent les enfants des autres, 55% placent leurs propres enfants dans le dispositif de sécurité en priorité, mais par contre 79% d’entre-eux demanderaient systématiquement au conducteur de mettre leur propre enfant dans le dispositif de sécurité même si il n’y en a pas assez pour tout le monde.

Cet article met en évidence un problème jusqu’à présent négligé: comment gérer le transport des enfants des autres. Il en ressort que ces pratiques de plus en plus répandues créent une situation d’enfants sans dispositif de sécurité approprié lors de trajets en voiture.

Note O. Reinberg: Pourtant cet article vient d’un pays le système Latch (Isofix en Europe) est une norme. Ce système de fixation très sécuritaire, permet d’échanger aisément un siège d’enfant d’un véhicule à l’autre. Tous les véhicules nord américains en sont équipés alors qu’il est encore trop souvent en option en Europe. Pour exemple 100 % des différents modèles de sièges vendus par les 2 plus grandes marques aux USA et au Canada étaient Latch (Isofix), tandis que pour les mêmes marques en Suisse seuls respectivement 30% et 16% des modèles l’étaient (2011).

Le problème est donc certainement plus grave encore en Europe, mais n’a jamais encore été évalué.

Référence complète:
Carpooling and Booster Seats: A National Survey of Parents.

Macy ML, Clark SJ, Freed GL, Butchart AT, Singer DC, Sasson C, Meurer WJ, Davis MM.
Pediatrics
2012; 129:290-298
Affiliation: Department of Pediatrics, Department of Emergency Medicine, University of Michigan, Ann Arbor, MI, USA

Décès d’enfants par produits toxiques

Les responsables de la Base de données du centre antipoison US (US National Poison Center Database System (NPDS)) ont confié à 3  pédiatres toxicologues, la tâche d’analyser en détail les intoxications ayant entrainé le décès d’enfants de moins de 18 ans sur une année, du 1.1. 2010 au 31.12.2010.Ils ont recensé 74 cas dont 63% (47 cas) concernent des enfants de moins de 6 ans et sont des accidents. Parmi les 28 cas au delà de 6 ans, 13 étaient à but suicidaire et les 15 autres par abus de substances diverses. Les auteurs précisent que 2 préadolescents de 12 ans sont décédés d’inhalation volontaire de substances toxiques dans un contexte d’abus et non de suicide.

L’analyse détaillée des décès d’enfants de moins de 6 ans relève:

  • 2 cas de surdosage de flecainide (antiarythmique) prescrit, entreposé dans un réfrigérateur mais sans emballage de sécurité (préparation spéciale pour enfant).
  • 2 cas d’intoxication massive au monoxyde de carbone lié à l’usage de bougie à la citronnelle ou torche (les auteurs continuent à militer pour leur interdiction aux USA).
  • 4 erreurs de médication chez des enfants à pathologies complexes et traitements multiples dont 2 par erreur de la voie d’administration.
  • 3 cas d’homicides prouvés, mais probablement d’autres cas dont les preuves de la mauvaise intention n’ont pu être apportées.

Les cas d’intoxications volontaires, soit par abus de substances toxiques, soit par suicide ne rentrent pas dans la démarche de la prévention d’accidents.

Dans la plupart des centres antipoison sont enregistrés: les produits en cause, les doses, l’âge et le poids des enfants. Les auteurs insistent sur la nécessité d’inclure dans ces analyses, les circonstances en particulier y avait-il un emballage de sécurité et rappellent que des intoxications peuvent résulter de maltraitance.

Commentaire O. Reinberg:

Déjà en 1991, le Tox Zentrum dans le rapport rédigé à l’occasion de ses 25 ans, montrait bien la surreprésentation des intoxications par médicaments chez les enfants.
Déjà en 1989 dans le Rapport à la Commission de Pédiatrie pour le Conseil d’Etat Vaudois, nous attirions l’attention des autorités sur le problème des intoxications chez l’enfant.

Elles résultent de 3 circonstances:
1) les foyers suisses disposent en général d’une pharmacie de ménage, mais les produits en cause dans les intoxications sont accessibles sur la table de nuit ou dans la cuisine.
2) La majorité des produits en cause dans les intoxications par produits chimiques ont été trouvés sous l’évier dans des flacons ne disposant pas de bouchons de sécurité. Nous persistons à entreposer les produits dangereux sous l’évier et non en hauteur.
3) la Suisse n’a toujours pas de législation sur les emballages de sécurité.
Pourtant UNICEF a mené une étude dans 26 pays de l’OCDE sur l’application de 6 mesures dont les effets ont été statistiquement validés comme efficaces, reprises dans l’imposant rapport de l’OMS de 2009 sur la prévention des accidents d’enfants. Seuls 3 pays ont légiféré dans au moins 5 des 6 domaines proposés (USA, Canada, Australie). La Suisse n’a de mesures légales que dans le seul domaine des dispositifs de retenue pour enfant dans les véhicules. Il existe des normes en matière d’emballages sécurisés pour prévenir les intoxications pédiatriques en Australie, Canada, USA, Nouvelle-Zélande, Union Européenne, mais pas en Suisse…

Référence complète:
2010 Pediatric fatality review of the national poison center database:Results and recommendations.

Calello DP, Marcus SM, Lowry J.
Clin Toxicol 2012; 50(1): 25-26.
Affiliation: New Jersey Poison and Information System, New Jersey Medical School Department of Preventive Medicine, USA.