Décès d’enfants par produits toxiques

Les responsables de la Base de données du centre antipoison US (US National Poison Center Database System (NPDS)) ont confié à 3  pédiatres toxicologues, la tâche d’analyser en détail les intoxications ayant entrainé le décès d’enfants de moins de 18 ans sur une année, du 1.1. 2010 au 31.12.2010.Ils ont recensé 74 cas dont 63% (47 cas) concernent des enfants de moins de 6 ans et sont des accidents. Parmi les 28 cas au delà de 6 ans, 13 étaient à but suicidaire et les 15 autres par abus de substances diverses. Les auteurs précisent que 2 préadolescents de 12 ans sont décédés d’inhalation volontaire de substances toxiques dans un contexte d’abus et non de suicide.

L’analyse détaillée des décès d’enfants de moins de 6 ans relève:

  • 2 cas de surdosage de flecainide (antiarythmique) prescrit, entreposé dans un réfrigérateur mais sans emballage de sécurité (préparation spéciale pour enfant).
  • 2 cas d’intoxication massive au monoxyde de carbone lié à l’usage de bougie à la citronnelle ou torche (les auteurs continuent à militer pour leur interdiction aux USA).
  • 4 erreurs de médication chez des enfants à pathologies complexes et traitements multiples dont 2 par erreur de la voie d’administration.
  • 3 cas d’homicides prouvés, mais probablement d’autres cas dont les preuves de la mauvaise intention n’ont pu être apportées.

Les cas d’intoxications volontaires, soit par abus de substances toxiques, soit par suicide ne rentrent pas dans la démarche de la prévention d’accidents.

Dans la plupart des centres antipoison sont enregistrés: les produits en cause, les doses, l’âge et le poids des enfants. Les auteurs insistent sur la nécessité d’inclure dans ces analyses, les circonstances en particulier y avait-il un emballage de sécurité et rappellent que des intoxications peuvent résulter de maltraitance.

Commentaire O. Reinberg:

Déjà en 1991, le Tox Zentrum dans le rapport rédigé à l’occasion de ses 25 ans, montrait bien la surreprésentation des intoxications par médicaments chez les enfants.
Déjà en 1989 dans le Rapport à la Commission de Pédiatrie pour le Conseil d’Etat Vaudois, nous attirions l’attention des autorités sur le problème des intoxications chez l’enfant.

Elles résultent de 3 circonstances:
1) les foyers suisses disposent en général d’une pharmacie de ménage, mais les produits en cause dans les intoxications sont accessibles sur la table de nuit ou dans la cuisine.
2) La majorité des produits en cause dans les intoxications par produits chimiques ont été trouvés sous l’évier dans des flacons ne disposant pas de bouchons de sécurité. Nous persistons à entreposer les produits dangereux sous l’évier et non en hauteur.
3) la Suisse n’a toujours pas de législation sur les emballages de sécurité.
Pourtant UNICEF a mené une étude dans 26 pays de l’OCDE sur l’application de 6 mesures dont les effets ont été statistiquement validés comme efficaces, reprises dans l’imposant rapport de l’OMS de 2009 sur la prévention des accidents d’enfants. Seuls 3 pays ont légiféré dans au moins 5 des 6 domaines proposés (USA, Canada, Australie). La Suisse n’a de mesures légales que dans le seul domaine des dispositifs de retenue pour enfant dans les véhicules. Il existe des normes en matière d’emballages sécurisés pour prévenir les intoxications pédiatriques en Australie, Canada, USA, Nouvelle-Zélande, Union Européenne, mais pas en Suisse…

Référence complète:
2010 Pediatric fatality review of the national poison center database:Results and recommendations.

Calello DP, Marcus SM, Lowry J.
Clin Toxicol 2012; 50(1): 25-26.
Affiliation: New Jersey Poison and Information System, New Jersey Medical School Department of Preventive Medicine, USA.

Intoxication aigüe à l’éthanol contenu dans un désinfectant pour les mains

La désinfection des mains par des solutions contenant de l’alcool est devenue fréquente, non seulement dans les structures de santé mais aussi à domicile, peut-être en association avec les récentes épidémies et les recommandations d’hygiène qui les ont accompagnées. Ainsi ces solutions se retrouvent communément à domicile, aisément accessibles pour que tous les utilisent. Il n’est donc pas surprenant que des intoxications soient rapportées avec ces substances.

Les auteurs rapportent l’intoxication non intentionnelle d’une fillette de 4 ans avec de l’éthanol contenu dans un désinfectant pour les mains, se présentant dans un service d’urgence avec une confusion mentale, une hypoventilation. Les signes vitaux étaient altérés avec une fréquence cardiaque à 139/min et une température corporelle à 34.2°. Elle a été intubée et ventilée et son état s’est amélioré en 24 heures, pour guérir sans séquelle.

Les auteurs rapportent cette intoxication inhabituelle et insistent sur la prévention qui est complexe, puisque d’un côté il est souhaitable que ces produits soient aisément accessibles pour être utilisés, mais potentiellement dangereux pour les enfants.

Référence complète:
Acute ethanol poisoning in a 4-year-old as a result of ethanol-based hand-sanitizer ingestion.
Engel JS, Spiller HA.
Pediatr Emerg Care 2010; 26(7): 508-9.
Afiliation: King’s Daughters Medical Center, Ashland, KY, USA

Toxicité sévère aux composés de cyanoglycosides (amandes amères, abricots, manioc, cassava)

Cet article rappelle le danger qu’il y a pour les enfants à manger des amandes amères, à propos d’un cas survenu dans le midi de la France chez une fillette de 30 mois (14 kg) à qui son grand-père a offert 5 amandes cueillies sur l’arbre.

Le fruit de l’amandier (Prunus dulcis) est comme son nom l’indique plutôt doux. Les amandes amères ne proviennent pas d’un arbre particulier et tous les amandiers peuvent en porter. Elles sont particulièrement riches en amygdaline, un cyanoglycoside (de 4 à 9 mg/amande) qui se trouve non seulement dans les amandes amères, mais aussi dans les amandes contenues dans les noyaux de pêche ou d’abricot. L’amygdaline s’hydrolyse en acide cyanhydrique (qui donne l’odeur d’amande amère).

Les composés cyaniques (acide cyanhydrique) qui se transforment en cyanures sont hautement toxiques, en particulier pour les enfants et se rencontrent au cours de nos voyages en consommant essentiellement des amandes autour de la Méditerranée, mais aussi des noyaux d’abricots ou de pêche. Le massepain fait largement usage d’amandes amères dans sa fabrication, mais la préparation de la pâte élimine le risque de toxicité.

Un autre produit composé de glycosides cyaniques que l’on peut rencontrer lors de nos voyages tropicaux est la linamarine, contenue aussi bien dans les feuilles que dans les tubercules de la cassave (Manihot esculenta), répandue dans les régions tropicales sous des noms divers: manioc, tapioca, yuca. La linamarine, sous l’effet d’une enzyme spécifique se transforme en acide cyanhydrique. Cette enzyme est libérée par la plante lorsqu’on la coupe. Les toxines sont normalement enlevées en pelant et grattant la racine pour faire une purée qui est ensuite laissée légèrement fermenter avant d’être pressée, séchée et rôtie. Un défaut dans le processus de préparation peut laisser des résidus d’acide cyanhydrique en quantité importante.

Ces substances peuvent donc induire des empoisonnements aigus au cyanure. Des doses de 1mg/kg peuvent être létales. Les signes cliniques sont une tachypnée, une tachycardie, une chute de pression systolique, des maux de tête, des vertiges et des nausées, une cyanose, des convulsions.

Références complètes:
Child cyanide poisoning after ingestion of bitter almonds.
Nader R, Mathieu-Daudé JC, Deveaux M, Faure K, Hayek-Lanthois M, de Haro L.
Clin Toxicol (Phila) 2010;48(6):574-575
Pediatric Cyanide Poisoning: Causes, Manifestations, Management, and Unmet Needs
RJ. Geller, C. Barthold, JA. Saiers, AH. Hall.
Pediatrics 2006;118(5);2146-2158
Origin: Department of Pediatrics and the Medical Toxicology Fellowship Program, Emory University School of Medicine, Atlanta, Georgia
An unusual cause of severe lactic acidosis: cyanide poisoning after bitter almond ingestion.
Sanchez-Verlaan P, Geeraerts T, Buys S, Riu-Poulenc B, Cabot C, et al.
Intensive Care Med. 2011; 37(1):168-9.

Attention aux noyaux d’abricots!

Encore un article qui attire l’attention du risque d’intoxication au cyanure par ingestion des noyaux d’abricots que les enfants cassent et dont ils dégustent les amandes.

Les auteurs rapportent 13 intoxications d’enfants en 4 ans avec plusieurs cas sévères nécessitant 4 fois une ventilation assistée, ainsi que des hypotensions (2), des comas (2) et des convulsions (1). Six patients ont présenté une hyperglycémie se résolvant spontanément mais 3 ont nécessité de l’insuline pour quelques heures.

Une intoxication à connaître.

Référence complète : Cyanide poisoning caused by ingestion of apricot seeds.
Akyildiz BN, Kurtoğlu S, Kondolot M, Tunç A.
Ann Trop Paediatr. 2010; 30(1):39-43.
Origine: Department of Pediatric Intensive Care, Faculty of Medicine, Erciyes University, Kayseri, Turkey.

Intoxications des enfants par des produits ménagers en Suisse.

Importantes statistiques du centre d’information toxicologique suisse  (« Tox Zentrum ») portant sur 2007 avec 14’192 appels dont 80% concernent des enfants.

Les accidents par intoxication sont fréquents, particulièrement chez les enfants de 1 à 4 ans, mais heureusement le plus souvent peu graves et se résolvent sans complication (50% sans symptômes, 40% avec symptômes légers). Le problème est de déceler dans ce grand nombre d’accidents mineurs, ceux qui peuvent mettre en danger la vie de l’enfant et nécessitent une intervention immédiate (10%). Les auteurs insistent sur la spécificité pédiatrique, tant en ce qui concerne l’épidémiologie que la pharmacocinétique et la toxicité qui diffèrent de celles de l’adulte.

Les produits ménagers le plus souvent en cause sont les détergents, les alcools (éthanol, isopropylalcool), les hydrocarbures, les substances irritantes (décolorant, eau de Javel, détachant). Les détergents le plus souvent en cause sont les produits pour laver le linge et la vaisselle.

Les produits plus rares mais dangereux sont les alcools « toxiques » (méthanol, éthylène glycol = antigels), hydrocarbures (= huiles de lampe, allume feu, benzine) ainsi que les acides et les bases fortes. Les ingestions de piles « boutons » et les aimants posent également des problèmes qui doivent mener à consulter en urgence et souvent doivent être extraits.

Une distinction est à faire par classe d’âge : chez les enfants de moins de 4 ans, sont en cause les plantes (diffenbachia p.ex. dont la sève est un acide), puis les produits ménagers, les médicaments, et les cigarettes. Les ingestions sont accidentelles et les doses faibles. Chez les jeunes de 12 à 16 ans les absorptions sont en général volontaires, malveillantes ou à but suicidaire, donc à des doses nettement plus élevées et concernent des médicaments auxquels s’ajoutent des substances d’abus.

Cet article très complet, outre l’épidémiologie des accidents,  donne les premières mesures à prendre en cas d’ingestion de substance potentiellement toxique.

A lire absolument (mais en allemand).

Référence complète :
Pediatric poisoning, with special reference to household products.
Rauber-Lüthy C, Staubli G.
Ther Umsch 2009; 66(5): 373-8.
Origine: Schweizerisches Toxikologisches Informationszentrum, Zürich.

Les intoxications médicamenteuses chez les enfants : les produits en cause ne sont pas ceux que l’on aurait cru

Etude du centre anti-poison danois (Danish Poison Information Centre à Giftlinjen) concernant les enfants de 0 à 14 ans. En 1 an, 9’920 appels concernant 4’399 enfants. 1060 concernaient des médicaments. Les produits les plus fréquemment en cause étaient les complexes multivitaminés. Bien que ces produits soient considérés comme non dangereux, 31 % ont nécessité un traitement médical et 2.9 % (31 cas) ont mis la vie de l’enfant en danger du fait d’un apport massif en fer. La plupart de ces accidents d’enfants de moins de 6 ans sont arrivés au domicile de l’enfant, pendant la journée.

En résumé, la plupart des intoxications accidentelles d’enfants dues à des médicaments sont bénignes. Une information reste à faire concernant certains produits dont la nocivité est sous-estimée.

Référence complète:
Inquiries to the Danish poison information centre concerning children aged 0-14-years.
Dalhoff K, Bryld C. Ugeskr Laeger 2009; 171(4): 239-242.
Origine: Klinisk Farmakologisk Enhed of Giftlinjen, Bispebjerg Hospital, DK-2400 København NV.